Alors que je feuilletais la Gazette il y a quelques jours, je suis tombée sur un article du chroniqueur d’affaires Paul Delean.  L’article commence ainsi :

« wow !  Une semaine toute entière vient de s’écouler sans qu’aucun nouveau scandale à propos de fonds communs de placement au Québec ne surgisse.  Aucune firme n’a cessé ses activités, aucun actif n’a été bloqué par les autorités de réglementation.  Qu’est-ce qui se passe ?… »

Ma première réaction a été de me dire : « Oh, ciel ! »  Mais, mis à part les sarcasmes sibyllins, M. Delean a tout de même compté quelques bons points que je voudrais partager avec vous.  Mais tout d’abord, examinons d’un peu plus près ces « scandales » des fonds communs de placement auxquels il fait allusion.  Juste les faits, tels que nous les connaissons maintenant.

D’abord, la fermeture de Norbourg

Le 25 août dernier, l’organisme de réglementation du secteur des services financiers au Québec, l’Autorité des marchés financiers (AMF), a annoncé qu’il bloquait les actifs de Norbourg gestion d’actifs Inc. et qu’il réclamait la cessation de ses activités.  Le Groupe Norbourg, contrôlé par Vincent Lacroix, gère les familles de fonds d’investissement Norbourg et Évolution.  Le Groupe est également lié au courtier en fonds communs de placement Gestion du Patrimoine Tandem Inc.

À cette époque, l’AMF avait des raisons de croire qu’au moins 70 millions de dollars manquaient aux livres des fonds d’investissement Norbourg et Évolution.

La semaine dernière, l’administrateur provisoire Ernst & Young a rendu public son rapport sur la situation financière de Norbourg.  C’est ainsi que nous avons appris la triste nouvelle sur le fait que l’écart entre les états financiers de Norbourg et le véritable solde aux livres de ses fonds communs de placement s’élevait à 130 millions de dollars, près du double par rapport à l’estimation préliminaire.  Le rapport a également révélé que 17 des 29 fonds du Groupe Norbourg affichaient des soldes de moins de 300 000 $ et que toutes les divisions de la société fonctionnaient à perte.

Dans son rapport, E&Y a recommandé la liquidation de tous les actifs du Groupe Norbourg.  L’AMF n’a pas perdu de temps en agissant à partir de cette recommandation.

Jusqu’à maintenant, rien n’explique comment les 130 millions de dollars se sont volatilisés, ni combien les investisseurs peuvent s’attendre à récupérer. Il n’existe pas de fonds en cas d’imprévu pour couvrir des pertes de cette nature.

Puis, les fonds Zénith

Entretemps, le 14 septembre, l’AMF a rapporté qu’elle a obtenu ordre de fermer une autre entreprise de fonds communs de placement du Québec.  L’AMF a annoncé que les fonds Zénith étaient maintenant sous enquête pour allégation d’appropriation d’actifs et abus de frais.  Nous en saurons davantage sur cette affaire au fur et à mesure que l’enquête se poursuivra.

Que penser de tout cela

Heureusement, aucun d’entre vous n’aviez investi de l’argent dans les familles de fonds Norbourg, Évolution ou Zénith.  Et pour vous dire franchement, ces sociétés n’étaient jamais passées sous ma loupe jusqu’à aujourd’hui.

Je tiens également à vous rassurer sur le fait que je n’ai aucune inquiétude sur l’intégrité de l’industrie des fonds d’investissement de façon globale.  Et vous ne devriez pas non plus.  Néanmoins, tout ce bourbier soulève des questions sérieuses.

Le scandale Norbourg constitue le premier véritable cas d’allégation de détournement par un gestionnaire de fonds.  Il est encore trop tôt pour dire ce qui s’est passé avec tout cet argent et qui est à blâmer, mais on n’en pense pas moins.  Où était donc notre organisme de réglementation pendant tout ce temps ?  Existe-t-il des déficiences structurelles au sein de l’industrie qui mériteraient d’être corrigées ?  Devrions-nous, par exemple, demander plus de surveillance indépendante des activités des gestionnaires de fonds d’investissement ? Ou s’agissait-il seulement d’un cauchemar « double » qu’il vaudrait mieux oublier… tant et aussi longtemps qu’il ne viendra pas confirmer l’adage « jamais deux sans trois » ?

Si ce n’est que pour cela, l’affaire Norbourg montre le besoin de constituer un fonds d’indemnisation pour couvrir ce type de pertes essuyées par les investisseurs.  Certains filets de sécurité existent déjà mais aucun ne couvre spécifiquement la protection contre les pertes imputables aux fraudes ou à la faillite de gestionnaires de fonds.  Les efforts déployés par le passé en ce sens n’ont pas porté fruit.  Peut-être que l’expérience Norbourg fournira l’élément déclencheur nécessaire qui manquait jusqu’à présent.  Entre-temps, étant donné le sérieux de la situation, l’AMF a promis de fournir ressources et expertise afin d’aider les investisseurs à récupérer leur argent.

Pour revenir à l’article de Paul Delean, il y a une dernière remarque que je tiens à apporter.  L’auteur écrit : « Quelle raison impérieuse y avait-il de vouloir investir dans, disons, le fonds de croissance Zénith à valeur stable ? Quels intérêts voulait-on servir réellement ? »  Plus important encore, comme M. Delean continue de le souligner, c’est ce genre de questions que l’investisseur devrait poser sur une base régulière.  « C’est bien d’avoir un conseiller de confiance qui gère votre portefeuille, mais donnez-vous au moins la peine de savoir pourquoi il prend telle ou telle décision, » ajoute-t-il.

En d’autres mots, avec un peu de diligence raisonnable, nous pourrions tous nous épargner beaucoup de souffrance.  Je dis « nous » car je dois aussi faire mes devoirs en posant les questions appropriées à mes fournisseurs de fonds d’investissement (puisées à travers la tonne de publicité propagandiste). Je ne veux absolument pas être associée à des émules de Norbourg ou Zénith plus que vous ne le désirez !

La transparence est primordiale dans toute relation d’affaires qui se respecte.  Alors n’hésitez pas à poser les questions qui vous préoccupent.  Pour ma part, vous savez tous que je suis engagée à fournir les réponses (du moins j’espère que vous le savez) et je tiens à faire davantage pour que la transmission de renseignements essentiels soit tout à fait fluide.  Vous êtes ainsi informé, mais jamais dépassé ou emmêlé par tous les innombrables détails.  Ce qui peut représenter parfois tout un défi.  Mais je remercie Norbourg de m’avoir confirmé que ça en vaut définitivement la peine et le temps !