Je vous indiquais au début de cette année un vieux dicton qui circule parmi les investisseurs : « Janvier donne le ton de l’année. » Cet « effet janvier », ainsi qu’on le surnomme, s’est vérifié en 2006 : les marchés ont évolué toute l’année comme ils l’avaient fait lors du premier mois.

Les marchés

Dans le monde entier, les marchés des valeurs boursières ont affiché d’excellents gains en janvier 2006. Cette tendance s’est maintenue en février et mars. En avril, toutefois, les inquiétudes suscitées par l’augmentation des taux d’intérêt et le ralentissement de l’économie mondiale ont tempéré l’optimisme des investisseurs. Au milieu de l’été, les marchés boursiers faisaient triste mine : ils avaient perdu presque tous les gains réalisés dans les premiers mois de l’année. (Rappelez-vous les déprimants relevés de juin!)

Maintenant que l’année tire à sa fin, les marchés retrouvent leur panache – et reprennent leurs airs de janvier dernier. Les valeurs augmentent de manière significative au niveau mondial. À quelques jours seulement de la clôture du calendrier boursier, la plupart des marchés internationaux affichent pour l’année à ce jour des gains supérieurs à 15 %, parfois beaucoup plus. Aux États-Unis, même si certains analystes continuent de redouter une récession imminente, la hausse de l’indice S&P 500 s’élève à 12 % pour l’année jusqu’à ce jour. Au Canada, malgré le coup de tonnerre des fiducies de revenus, notre indice composé TSX/S&P a augmenté de 15 %, établissant ainsi un nouveau record! En un mot, il peut se passer bien des choses en quelques mois seulement…

Perspectives mondiales

Le marché canadien a connu en 2006 une quatrième année consécutive de gains prodigieux. Cette croissance s’explique principalement par le nombre élevé des entreprises canadiennes qui œuvrent dans les secteurs de l’énergie et des produits miniers. Cette période faste n’est peut-être pas terminée pour elles. Néanmoins, ce sont les marchés boursiers internationaux de plus grande envergure qui auront le vent dans les voiles à l’avenir – nous l’avons d’ailleurs constaté dès cette année. En outre, le dollar canadien vaut actuellement 0,86 $US. S’il continue de baisser (ce qui devrait être le cas), ce taux de change plus favorable permettra aux investisseurs canadiens de mieux bénéficier de la croissance de leurs placements internationaux. Pendant les périodes d’appréciation du dollar canadien, certains gestionnaires de fonds couvrent leurs titres internationaux pour corriger ce problème. C’est par exemple le cas de l’équipe Cundill, qui maintiendra ces mesures de précaution tant que la situation le commandera.

Sur le plan économique, certains analystes annoncent une récession qui frapperait les États-Unis et pourrait se répercuter au-delà de leurs frontières. Toutefois, la plupart s’entendent pour prévoir plutôt un « atterrissage en douceur », c’est-à-dire un ralentissement de la croissance économique – mais rien de plus. De nombreux indicateurs vont d’ailleurs dans ce sens.

Dans le monde entier, les liquidités coulent à flots. Or, en général, les surplus financiers stimulent fortement la croissance économique. Malgré l’augmentation du coût du pétrole et des matières, la rentabilité des entreprises est nettement à la hausse et la plupart d’entre elles sont dans une situation financière très supérieure à celle des décennies passées. Qui plus est, on ne distingue aucun signe d’inflation à l’horizon; les taux d’intérêt devraient donc se maintenir à leurs niveaux actuels, voire baisser.

De l’avis général des observateurs, 2007 s’annonce donc comme un grand cru! Évidemment, un retournement soudain n’est jamais exclu, surtout dans le contexte géopolitique actuel. Par conséquent, la prudence reste de mise. Gardez précieusement vos obligations!

Fiducies de revenus

Le coup de tonnerre de l’année financière 2006! À l’Halloween, le ministre des Finances nous a montré qu’il avait plus d’un tour dans son sac en décidant d’imposer les fiducies de revenus comme des sociétés par actions, contrairement à la promesse électorale qui avait été faite aux investisseurs. Cette annonce ayant suscité des débats très vifs, il ne me paraît pas inutile de prendre quelques minutes pour en examiner les enjeux fiscaux et économiques.

Incidence fiscale

À tort ou à raison, la plupart des Canadiens et Canadiennes pensent que les grandes entreprises sont prêtes à tout pour se soustraire à leur juste part du fardeau fiscal. Dans le même ordre d’idées, ils considèrent les fiducies de revenus comme un outil légal d’évasion fiscale pour les grandes entreprises; ils estiment par conséquent que le gouvernement a eu raison de les éliminer. Mais, bien sûr, ce n’est pas si simple…

Une fiducie est une entité de transit qui ne paie pas d’impôts sur les revenus qu’elle distribue à ses détenteurs d’unités, c’est-à-dire les investisseurs. Par contre, les sociétés par actions doivent payer des impôts sur tous leurs revenus nets avant de répartir l’excédent entre leurs investisseurs sous forme de dividendes. C’est la principale raison pour laquelle les dividendes des sociétés par actions sont beaucoup moins généreux que les distributions avant impôts des fiducies de revenus. Ce différentiel rend les fiducies de revenus très attirantes pour de nombreux investisseurs. Dans les deux cas, tous les revenus sont imposés – soit au niveau de l’entreprise, soit au niveau de l’investisseur. Mais tous les investisseurs ne sont pas égaux, et c’est là que le bât blesse.

Avec les modifications implantées par l’ancien gouvernement libéral, les dividendes et les distributions des fiducies de revenus sont taxés de la même manière pour tous les résidants canadiens. Toutefois, la législation libérale ne traitait pas du cas particulier des investisseurs étrangers; ils sont assujettis à un taux d’imposition légal de 15 % seulement. (Ces investisseurs possèderaient actuellement 40 % des fiducies de revenus canadiennes.) Ces nouvelles mesures n’abordaient pas non plus la question des régimes de retraites et des REÉR. Le nouveau gouvernement considère les régimes de retraite comme étant « exemptés d’impôts ». Pour lui, puisque les fiducies de revenus versent des distributions avant impôts, les titulaires de régimes de retraite, tout comme les régimes investisseurs étrangers, bénéficient d’un avantage fiscal indu.

En fait, les REÉR sont imposables; ils permettent de bénéficier d’une imposition différée mais ne sont pas exemptés d’impôts pour autant. C’est l’un des nombreux points que soulèvent les analystes qui réfutent les méthodes utilisées par le gouvernement pour évaluer le manque à gagner fiscal. Les conseillers du ministre des Finances, ajoutent-ils, doivent refaire leurs devoirs : ils constateront alors très vite que les fiducies de revenus n’engendrent pas de manque à gagner fiscal.

Pour d’autres opposants aux modifications du système, la législation proposée par M. Flaherty se trompe simplement de cible : au lieu de supprimer purement et simplement le secteur des fiducies de revenus, la nouvelle loi devrait viser le manque à gagner fiscal qui profite aux non-résidants et aux titulaires de régimes que le gouvernement dit « exemptés d’impôts ». Si le gouvernement n’a pas choisi cette voie, c’est probablement parce que son objectif va au-delà de l’équité fiscale – ce qui nous amène à l’autre grand contentieux soulevé par sa décision.

Incidence économique

L’impact économique à long terme des fiducies de revenus suscite depuis longtemps des débats houleux, en raison notamment du fait que la taxation des sociétés par actions les dissuadent de verser des revenus, alors que celle des fiducies, au contraire, les y incite.

Logiquement, les systèmes qui dissuadent les entreprises de verser des revenus devraient s’avérer bénéfiques en ceci qu’ils favorisent le réinvestissement et font ainsi tourner la roue de la prospérité. À l’inverse, les fiducies de revenus auraient avantage à redistribuer le plus de revenus possible, ce qui nuirait au réinvestissement, réduirait la capacité de croissance future des entreprises et les rendrait ainsi moins concurrentielles sur les marchés.

Les partisans des fiducies de revenus soulignent cependant que certaines entreprises arrivées à maturité génèrent une encaisse supérieure à leurs besoins (par exemple dans les secteurs du pétrole et du gaz, des oléoducs, des infrastructures, etc.). Il vaudrait mieux, alors, que leurs revenus excédentaires soient remis aux investisseurs. Dans ces cas, indique John Brussa, la structure des sociétés par actions entrave la productivité. C’est John Brussa qui a été l’artisan de la première fiducie de redevances du Canada, en 1986. Pour lui, du point de vue économique, il n’est pas dans notre intérêt d’appliquer la taxation des sociétés par actions à ces entreprises arrivées à maturité.

Jusqu’ici, le ministre des Finances est resté de marbre face à toutes ces critiques. Mais le gouvernement est minoritaire, et tout peut arriver. Le Bloc s’est d’ores et déjà prononcé en faveur d’un prolongement de la période de transition à 10 ans pour les fiducies, contre quatre ans dans la proposition actuelle. Il est donc fort possible que le débat se poursuive. Ces discussions mèneront-elles à un consensus quant aux véritables intérêts économiques du pays? Cela reste à voir. Les analyses manquant d’objectivité d’une part comme de l’autre, il est difficile de l’affirmer à ce stade.

Et bien sûr…

Comme chaque année à pareille date, je tiens à remercier chacun et chacune d’entre vous de la confiance que vous me témoignez. C’est pour moi un réel plaisir de travailler avec vous et je vous en remercie de tout cœur!

Je vous souhaite de très joyeuses Fêtes!